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Chaque semaine, une page choisie dans « Nouvelle Révolution »
sans rapport avec le blog de la semaine
Chapitre 12 – CONCEPTION DU MONDE ET MODES DE VIE
12.2. Les fêtes
12.2.2. Grandes fêtes collectives
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La fête c’est une tradition
S’il y a bien deux modes de plaisir et d’intérêt chez l’homme, celui de la surprise et de la nouveauté et celui de l’habitude et du rite, la fête en tant qu’événement collectif se situe indéniablement du côté de l’habitude. La réaction n’est pas « Oh, c’est toujours la même chose, ça m’ennuie, j’en ai assez », mais « Ah, je retrouve l’ambiance et les rites des fois passées, ça ne fait qu’augmenter mon plaisir ».
Une vraie fête, c’est d’abord une date prévue un an à l’avance, fixée d’office ou dès la fin de la précédente. On s’y prépare longtemps à l’avance, on la sent venir si elle est liée à une saison ou à d’autres événements, puis la tension monte, plus le moment se rapproche, plus les préparatifs s’intensifient. Il ne faut rien oublier. Puis le jour vient, inéluctablement. C’est un événement qu’on ne peut pas repousser, différer, postposer, ni annuler, sauf uniquement en cas de guerre. Une procrastination collective est impossible. Le moment arrive comme le soleil qui se lève le matin, comme la femme enceinte qui accouche. Les grincheux disent « vivement que ce soit déjà fini ». Mais la fête a lieu, qu’on soit malade ou en bonne santé, qu’on soit en deuil ou dans la joie, qu’il fasse beau ou mauvais, qu’on soit dans une période de richesse ou de pauvreté. Et puis après c’est fini, il faut nettoyer, ranger, se reposer, laisser décanter les souvenirs et les plaisirs, engranger les anecdotes à raconter. Et attendre en confiance la prochaine. La prochaine de la même ou d’une autre. Une vraie fête est une tradition, dès sa première fois.
Mais il y a une dialectique de la tradition et de la nouveauté. Une vraie fête vivante ne peut pas s’empêcher d’évoluer, sinon elle se momifie et devient ennuyeuse. A chaque fois, on y ajoute une petite touche, un embellissement, qui se voit dans un nouvel accessoire vestimentaire, une nouvelle boisson, de temps en temps on ajoute même une nouvelle chanson.
Il y a certes aussi des fêtes improvisées ou impromptues, mais c’est plus rare et de petite ampleur. Une envie festive collective ne peut se concrétiser que s’il y a un meneur qui dit « maintenant on y va » ou une date fixée à l’avance qui s’impose. C’est comme pour une course, s’il n’y a pas quelqu’un qui tire le coup de pistolet du départ, il n’y aura jamais de départ. Certains partiront en avance, puis devront revenir pour attendre les autres, qui entretemps seront déjà partis. Ce sera une mêlée et une course impossible. Ce n’est pas pour cela que le tireur de pistolet doit être le chef. C’est d’ailleurs la même chose pour les mouvements révolutionnaires.
Il y a encore une catégorie de fêtes spontanées, mais qui ont lieu à un moment bien précis, ce sont celles qui célèbrent une victoire au football ou aux élections. Ce sont de vraies fêtes aussi parce que tout le monde y est acteur, même si elles ne se reproduisent pas. Elles impliquent énormément de gens, mais ce qu’on y fait est rudimentaire au point de vue des rites. Cela se limite à des explosions de joie, qui mènent aussi à des rencontres et des fraternisations. Ce qui est déjà très bien !
La fête c’est un événement total
Une autre caractéristique des vraies fêtes, c’est qu’elles s’étendent dans tous les domaines de la vie sociale, publique et privée. Il y a des petites et des moyennes fêtes, qui ont peu de ramifications ou peu de gens concernés. Une grande fête, outre son extension dans le temps dont j’ai déjà parlé et qui prend du temps surtout avant, pour la préparation, puis pour la fête elle- même qui dure un ou plusieurs jours, avec un début, une « montée », un paroxysme, une « descente » et une après-fête qui est beaucoup plus courte, a une extension dans tous les domaines de la vie.
D’abord la nourriture. Des plats et des boissons particulières reviennent une fois par an, avec des variations aussi pour l’avant, le pendant et l’après. C’est le parfum et le goût de la fête. Il y a aussi la musique et les chansons de la fête qui égayent l’ouïe. Il y a des couleurs particulières, des décorations dans les rues, sur les maisons et à l’intérieur des maisons qui égayent la vue. Il y a des costumes et des vêtements particuliers qu’on ne met qu’à cette occasion et qu’on conserve soigneusement jusqu’à la prochaine fois.
Il y a aussi des rites, religieux ou pas, des cadeaux, des actes de charité, des coutumes particulières, spéciales, uniques, dont l’origine et la signification doivent toujours être répétées parce que la fête est gorgée de sens. Il y a aussi une histoire de la fête elle-même à raconter, souvent mythique d’ailleurs.
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Chapitre 12 – CONCEPTION DU MONDE ET MODES DE VIE
12.4. Plaisir de l’existant
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Les rites sociaux
La pratique du bouddhisme zen a pour but l’adéquation au monde qui serait obtenue après l’éveil spirituel, le « satori ». C’est un état de présence totale dans lequel la différence entre l’ego et le monde disparait, ce qui donne un bonheur paisible et ineffable. Mon idée n’est pas du tout de prôner pareil chemin, qui ne relève que de l’individu, mais de mutatis mutandis, faire glisser cette notion vers les comportements, relations et rites sociaux. Depuis nos rapports avec le monde, vers nos rapports avec les autres. On peut être entièrement présent, c’est-à-dire être conscient, et apprécier tout autant un repas en famille ou entre amis, une cérémonie de remise de diplôme, le dépôt de son enfant à l’école, un dépôt de gerbe devant un monument aux morts, une fête de pension d’un collègue, un concours pour devenir fonctionnaire (comme au temps des mandarins en Chine), un match de football, un concours de pêche, une manifestation syndicale, une réunion de badauds devant une voiture en panne, une discussion après avoir lu le journal, le premier jour de vacances sur une plage bondée mais au soleil quand même, la Nouvelle Star ou The Voice (mais pas trop souvent), qu’un coucher de soleil ou un papillon sur une fleur.
Le territoire
Le paysage est une de nos plus grandes richesses, symbiose entre la nature et l’homme, il s’offre à nous gratuitement. Il ne faut pas seulement en user comme d’un spectacle, à contempler depuis le banc du belvédère ou à travers la lorgnette du télescope à monnayeur, en faire des photos ou une peinture, il faut aussi se plonger dedans. Imaginons-nous que quand on file sur l’autoroute ou dans le TGV, aériens et détachés du monde, qu’on en sorte, qu’on choisisse au hasard un endroit un peu éloigné dans le paysage, qu’on s’y arrête, qu’on s’aplatisse, mentalement, sur le sol, qu’on devienne lourds et que notre corps s’enfonce un peu dans la terre, qu’on y lance quelques racines. Après ça, il faut parcourir la surface de la terre - je parle de celle qui est sous nos pieds maintenant et pas du vaste globe - en s’imprégnant non seulement de ce qu’on y rencontre aujourd’hui, mais aussi en se mettant en contact avec nos prédécesseurs qui, au cours des années et des siècles qui nous ont précédés, ont marqué les lieux de manière plus ou moins effacée mais quand même indélébile. Le plaisir est là quand la synthèse est harmonieuse et équilibrée entre l’homme et la nature et entre le présent et le passé. Dès que l’homme actuel prédomine et veut faire disparaître la nature ou son passé ou les deux, on se retrouve dans un second degré, nu, fade et anxiogène. Même si c’est propre et sécurisé. Un arôme artificiel ne remplacera jamais un goût ou un parfum naturel, ni un son synthétique un son naturel. Ces derniers possèdent une infinité d’harmoniques, dont la plupart sont perçues même si elles sont cachées. Découvrez et percevez les harmoniques du monde !
L’histoire
En prenant un regard extérieur, et à son pays et à sa classe sociale, on peut apercevoir bien cachée, si on cherche attentivement et sans préjugés, quelque chose qui pourrait s’appeler l’âme du peuple. Il ne s’agit certainement pas d’un concept « ethniciste », vantant les gens « de souche » qui seraient supérieurs à ceux d’ailleurs. Je fais plus loin un chapitre à ce sujet, intitulé « Un indice de civilisation ». Cette âme du peuple s’est toujours formée grâce à de multiples apports qui ne s’arrêtent jamais. Je ne vise pas non plus les caractéristiques « nationales », ni « régionales », qui sont toujours bien vivantes et fort utilisées, pour le tourisme, la publicité ou la guerre. Je fais allusion en fait à quelque chose qui a disparu avec la société de consommation et qui avait déjà subi des coups avec la société de production (autre nom pour le capitalisme industriel). En effet, se plonger dans les objets de consommation, en les achetant, les utilisant ou en en rêvant, stérilise tout un aspect de la vie sociale qui est celui qui se vit en relation avec les autres, qui est d’office aussi avec les autres du passé, en tant que groupe simultanément synchronique et diachronique. Quand chaque famille a sa machine à laver, sa télévision et sa voiture, quand le rêve est le pavillon de banlieue entouré de gazon et les vacances en Espagne entouré de gens sur des essuies de bain, il y a forcément quelque chose qui s’est perdu sans qu’on s’en rende compte ou qui a été rejeté avec mépris comme n’étant pas aussi séduisant. L’âme du peuple est la manière commune de réagir à vif et de sentir les événements quotidiens mais aussi exceptionnels.
Si on veut en retrouver des traces, on doit se tourner vers la littérature et la peinture, seuls témoignages subsistant avant YouTube. Les plus représentatifs et marquants, parce qu’ils ont même donné naissance à des adjectifs, c’est Rabelais et Brueghel, tous les deux ayant vécu au XVIe siècle. Mais on peut trouver des témoignages dans tous les autres pays, entre le XIIe et le XVIIe siècle, comme par exemple, Boccace en Italie, Chaucer en Angleterre, Grimmelshausen en Allemagne ... et même encore au XXe siècle, avec Jaroslav Hašek en Tchécoslovaquie (« Le brave soldat Chvéik »). Les exemples que je cite ici sont représentatifs de « l’âme européenne ». Tous les peuples ont bien sûr une « âme », à chacun de la retrouver. Avec des déclinaisons selon les continents, les pays et les régions. Elles pourront réapparaître si on en prend conscience et si on le veut.
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Chapitre 7 – RELIGION, PHILOSOPHIE ET PANTHEISME PRECHRETIEN (Culte de la Nature)
7.3. LA PHILOSOPHIE
7.3.4. Aujourd’hui, le retour de la philosophie pratique
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En 2014, une maison d’édition francophone spécialisée dans les livres pratiques, bien présente dans les grandes surfaces, proposait 121 titres dans sa rubrique « Psychologie ». On y trouvait par exemple « Bonheur mode d’emploi », « Clés pour la paix intérieure », « La retraite de l’esprit », « 10 minutes pour être zen », « Trois kifs par jour et autres rituels recommandés par la science pour cultiver le bonheur », « Brins de sagesse », « Éloge de la lenteur », « Transformez votre vie » et encore 113 autres. Il y avait aussi 51 titres dans la collection « Santé » y compris la santé mentale, 12 dans « Santé – Forme – Sexualité », 1 dans « Spiritualité » et ... 14 dans « Philosophie ». Au total, cela fait 199 titres dans ce domaine. Plusieurs autres éditeurs occupent aussi ce créneau. Et c’est la même chose dans les autres langues.
A côté de cela s’exprime une soif de connaissance de la « vraie » philosophie, à laquelle répond une très importante vulgarisation. Innombrables sont aujourd’hui les livres de philosophie destinés au grand public, des résumés, des commentaires plus ou moins approfondis ou décalés, des cours, des extraits choisis, des « à comprendre en 5 minutes », des « une page par jour », des « pour les nuls ». Certains auteurs-philosophes se sont d’ailleurs spécialisés dans cette démarche et sont devenus des vedettes de la littérature et des maîtres à penser. Ceci sans ironie parce qu’ils ont tous une bonne éthique philosophique. Ils expriment aussi leurs opinions personnelles sur la manière d’être heureux et donnent des conseils ou proposent des méthodes ou des exercices. Qui peuvent même être des exercices de « philosophie amusante » ou « entre amis ». Tout ceci est tout à fait bienvenu, c’est seulement dommage qu’il manque la transmission directe. Mais à l’heure des médias, c’est normal de médiatiser.
A quoi répondent ces livres si ce n’est aux mêmes questions auxquelles les philosophes de l’Antiquité ont déjà répondu ? Mis à part les conditions de la vie moderne qui, il est vrai, fournissent un gros paquet de problèmes nécessitant des réponses inédites, la question du bonheur et de comment y arriver n’a pas changé. Même pour la vie en société, on serait étonné de retrouver de nombreuses caractéristiques inchangées. Il suffit de lire Sénèque pour voir décrits avec une plume acérée, la course aux honneurs, l’oubli de soi dans des activités vaines et frénétiques, l’importance du qu’en-dira-t-on, l’impossibilité de lâcher des charges politiques, ou le fait de se plonger dans l’étude de connaissances inutiles comme celles qui servent dans les jeux télévisés !
Chapitre 1 – LE TRAVAIL ET L’ACTIVITÉ
1.4. FUTUR
1.4.13. La perception du temps
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La montre à une aiguille
La montre-bracelet, et avant ça la montre à gousset, qui sont des horloges portatives, marquent sur la chair des hommes, la contrainte du temps. Bien avant d’éventuelles « puces » que la science-fiction imagine implantées sous notre peau, la montre-bracelet enserre notre poignet et nous colle à la peau. Personne n’en est dépourvu si ce n’est des gens très marginaux et très asociaux. C’était le cadeau par excellence offert lors des communions, le rite d’accession à l’âge adulte. « Tu es adulte maintenant mon enfant, tu dois donc te soumettre au Temps » Ce n’est que la généralisation des portables pourvus d’une horloge apparente, qui commence à battre en brèche l’obligation d’en porter à son poignet. Mais ils se retrouvent dans la poche. Ce n’est pas loin.
D’autre part, de plus en plus, l’heure s’affiche partout, sur tous les appareils électro-ménagers, le four, le percolateur, la radio, la télévision, la machine à laver. Chacune affiche l’heure, soi-disant pour pouvoir les programmer. Par contre, elle a disparu de l’espace public, comme les cabines téléphoniques. Les horloges sur des mâts sur les places publiques ou aux frontons des gares étaient considérées comme des services à la population, qui précisaient et remplaçaient les cloches des églises, quand tout le monde n’avait pas encore de montres personnelles. C’est d’ailleurs le chemin de fer qui a été la cause de l’unification de l’heure au XIX e siècle. En effet, chaque ville, chaque village, avait son heure propre, qui n’était ni synchronisée avec les autres, ni réglée sur une norme commune. Les heures étaient relatives à chaque lieu, marquées par les sonneries de cloches de ses églises et c’était bien ainsi. Quand le chemin de fer a commencé à relier différentes villes, si le train partait à une certaine heure et devait arriver dans la ville suivante après un certain nombre de minutes, il fallait que l’heure indiquée dans la ville d’arrivée corresponde.
Pour matérialiser une nouvelle conception et perception du temps, je propose des montres et des horloges à une seule aiguille, la petite, celle marquant les heures. Entre chaque heure, il y a encore cinq subdivisions, qui servaient à l’aiguille des minutes, et qui marquent pour l’aiguille des heures, des intervalles de 12 minutes. Si on veut, on peut remplacer ces 5 marques par 6. Ce qui ferait des intervalles de 10 minutes pour les fanatiques du système décimal. Sur les montres digitales, il n’y a que les dizaines de minutes qui apparaîtraient. Connaître l’heure avec une précision de 12 ou de 10 minutes est amplement suffisant dans une société où le temps n’est plus de l’argent. Car dans la logique du travail salarié, chaque minute, voire chaque seconde, a une valeur monétaire tout à fait précise. Ce qui n’est pas du tout le cas pour les activités.
Extrait du chapitre 7
RELIGION, PHILOSOPHIE ET PANTHÉISME PRÉCHRÉTIEN (Culte de la Nature)
Sous-chapitre 7.4. Panthéisme préchrétien (Culte de la Nature)
page 505
7.4.4. L’homme et la nature
Être dans le paysage.
Combien de fois, en roulant sur l’autoroute ou en voyageant en train, ou même en avion, me suis-je posé la question de comment c’était derrière la vitre ! On glisse dans un tube transparent aseptisé, inodore et silencieux, avec même des étiquettes sur les autoroutes comme sur des tableaux, indiquant « Ici, château », « Là, vieille ville », « Là encore, bataille avec un numéro à quatre chiffres ». Derrière la clôture, derrière la vitre, un autre monde, peut-être plus réel, plus dense que notre monde habituel qui n’est plus que surface à force de l’avoir usé.
Faites l’exercice : allez une fois nulle part. Sortez de l’autoroute à la sortie la plus discrète, la plus banale entre deux villes, prenez à gauche, au milieu du village à droite, après à gauche, puis à droite, au feeling, puis le chemin le long des champs, du canal ou dans le bois. Imaginez-vous qu’il y a des gens pour qui ce que vous voyez est leur banalité à eux et depuis des générations, cet arbre que vous n’avez encore jamais vu et ne reverrez plus jamais, ce coin du mur avec cette niche, cet amas de pierres au bord du chemin, qu’il y a des gens, ou peut-être même un seul, qui passe par là tous les jours, depuis 50 ans peut-être et pour qui c’est le suc de sa vie, la dernière image qu’il emportera dans la tombe. Chaque lieu est le centre du monde. Puisque la terre est sphérique.
Marcher sur la Terre, dans le paysage, vous fait sentir l’échelle du monde. L’échelle du monde à hauteur d’homme est celle qu’on mesure avec ses pas. D’ailleurs c’est la marche qui fait tourner la Terre, chaque pas, puisqu’on pousse dessus à cause de la pesanteur, la fait tourner dans le sens inverse de sa marche. On visualise bien ce phénomène au cirque, quand l’artiste marche sur un ballon... Et puis le paysage, le pays comme on dit à la campagne, n’est pas rectiligne, n’est pas indifférencié. Pour s’y déplacer on suit les crêtes ou les vallées, on contourne les bois ou on les traverse, on suit les chemins qui sinuent selon des traces historiques, témoins de propriétés, de guerres, d’abandons, de miracles.
A un troisième niveau, encore plus grand, on perçoit le Globe terrestre entier. Ceci quand on voit l’horizon et qu’on est en interaction avec lui, si on se dirige vers lui, on s’en éloigne, ou on chemine parallèlement. C’est perceptible de la manière la plus forte et la plus pure dans le désert ou sur la mer. Là l’horizon est partout, tout autour de nous, dans quelque direction que nous allions, nous allons vers l’horizon et nous nous éloignons d’un autre. Mais dans le désert et dans la mer, la terre ne produit rien, elle est « abstraite ».
Le minimum du maximum se trouve dans la steppe, la plaine ou la pampa. Certains qui en ont bien parlé sont le père Huc, W. H. Hudson ou F. Cooper. Là nous avons un horizon à 360°, une couverture végétale minimale, dense et tout à fait présente, faite d’herbes pouvant atteindre 2 mètres de haut et le ciel qui, avec sa voûte en demi-sphère, est beaucoup plus important encore que la Terre. Le ciel a là un rapport avec la terre, comme un volume avec une surface. C’est-à-dire le cube du carré. Plus l’infini parce qu’en réalité, le ciel n’est pas une voûte. Durant le jour, les nuages nous donnent une mesure de sa profondeur et la nuit, les étoiles concrétisent l’infini, qui est alors à notre portée.
Un autre lieu significatif est la montagne. Son gravissement correspond d’ailleurs à des étapes d’élévation spirituelle. D’abord la traversée de sombres forêts de conifères moussus et aux branches couvertes de lichen, où on ne voit pas le ciel ; ensuite les alpages couverts d’herbes et de petites fleurs multicolores ; puis les rochers nus ; et pour finir, sur les montagnes les plus hautes, la neige. Le très lent gravissement à pas d’homme, les panoramas qui se dévoilent dans les cols, les corniches où la vue change à chaque pas et puis le sommet où on est le roi du monde.
Entre l’homme et la nature
Il y a une différence entre « être sur la Terre » et « être dans la Nature ». La Nature étant l’ensemble des éléments plus la végétation et la faune. La Nature et l’homme ne sont pas exclusifs, il faudra bien l’admettre. Même si l’homme occidental se considère en opposition avec elle, on doit placer ces deux éléments sur une seule ligne avec à gauche l’Homme et à droite la Nature. Chaque lieu ou situation se trouve quelque part entre les deux, plus il y a d’hommes, moins il y a de nature et vice-versa. Ceci considère qu’ils sont complémentaires et pas opposés et se réfère aux lieux.
Le plus émouvant, ce sont les territoires où l’homme et la nature se rencontrent. On les appelle des zones « semi-naturelles ». Ce sont généralement des zones qui étaient cultivées, donc entièrement humanisées, mais où on a abandonné la culture et où la nature est en train de reprendre ses droits tout en laissant visible, à un certain stade, les traces de l’homme. Ou ce peut être à l’inverse, des zones non cultivées où l’homme fait une incursion modérée et respectueuse. Bref, c’est là où homme et nature se complètent et dialoguent.
Un autre type de « zone semi-naturelle » sont les bords de mer, ou plus rarement, de lacs et de cours d’eau. Il y a là une interpénétration entre cet élément si puissant, la mer et les manifestations de la vie humaine. Les maisons et les bateaux rongés par le sel et par le vent, le sable qui s’accumule dans les rues, la boue des crues au bord des fleuves, le cri des mouettes. La nature influe et modèle la vie humaine et l’homme influe et modèle, plus ou moins selon les éléments, la « vie » de la nature.
L’homme dans la nature
Passer quelques jours en pleine nature équivaut à une expérience spirituelle inégalable de ressourcement et de purification. Une nature connue et pas trop hostile bien sûr. Les agressions s’il y en a, viennent plutôt des hommes que de la nature. Au début on a peur de se perdre et on est mal à l’aise. La nuit, les pas d’un hérisson sur des feuilles mortes semblent être ceux d’un éléphant et dans le babil d’un ruisselet on entend des voix humaines qui chuchotent. Mais après un certain temps, on se rend compte que la Nature ne nous veut pas de mal et que, si nous marchons et séjournons en elle respectueusement, elle nous intégrera avec bienveillance.