Le travail du consommateur
- nouvellerevolution
- 14 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mars
On ne s’en étonne même plus mais plus cela fait longtemps déjà que nous les consommateurs, sommes mis au travail. Innombrables sont les tâches que l’on nous fait faire et certaines sont encore en phase d’implantation. Cela a commencé avec les banques, pour lesquelles on devait exécuter toutes les opérations nous-mêmes, au guichet automatique ou bien à la maison sur l’ordinateur ou le smartphone. Puis aux caisses des supermarchés, scanner ses achats soi-même. Les bornes aux fast-foods, le self-service de carburant aux stations qui s’appelaient « stations-service », tout ça va dans le même sens. Une transformation emblématique, mais qui ne touche pas vraiment une fonction de consommateur parce qu’il ne s’agit pas d’un achat mais d’un service, a été la machine à café qui a remplacé la dame qui venait avec sa desserte à roulette, son thermos et ses tasses, servir le café à heure fixe, aux fonctionnaires dans les ministères. Elle connaissait les habitudes de chacun. Moments de parlotte et de chaleur humaine …
Un autre tout gros « transfert de travail » vers le consommateur a été Ikea, pour lequel le client est devenu monteur de meuble ! Il y a aussi les réparations. Chaque appareil électro-ménager, informatique ou autre et accompagné d’une abondante littérature visant à permettre au consommateur de réparer lui-même les pannes. Il y a aussi la réservation et l’achat de moyens de transport (avion, train, vélos ou voitures partagées, etc.) et de logements (hôtels, Airbnb, etc.) Le consommateur est une main-d’œuvre gratuite, disponible et motivée.²
La même réaction d’acceptation a été comme celle vis-à-vis du télétravail : « je le fais quand je veux, où je veux et comme je veux ». Sauf que la compétence n’est pas forcément là … Et puis, que c’est un travail que l’on fait à la place de quelqu’un d’autre.
Cette révolution silencieuse s’est faite dans tous les domaines plus ou moins simultanément et très progressivement. Ce qui est interpellant, c’est que la toute grosse diminution d’emploi qu’elle a provoqué, n’a suscité aucune réflexion ou remise en question de notre « modèle économique ». D’une part, beaucoup moins de salaires à payer, ce qui fait des bénéfices supplémentaires très importants pour le patronat et les actionnaires, d’autre part, aucune diminution du temps de travail, ni d’augmentation de salaires pour ceux qui continuent à travailler. A une époque où il y avait beaucoup de chômage, on envisageait une timide diminution du temps de travail pour le partager, pour remettre au travail des chômeurs. Cela s’appelait « une embauche compensatoire ».
Mon idée, c’est qu’il n’y a pas que le travail et son opposé le chômage, qui est défini comme un non travail. Il y a une troisième alternative, c’est l’activité, c’est-à-dire tout ce qu’on fait et qui n’est pas du travail ! L’immense quantité de travail qui a été transférée au consommateur aurait dû, et devrait encore entrainer une nette diminution des heures de travail de ceux qui restent, sans diminution de salaire. Ceci pour pouvoir enfin s’adonner à toutes ces activités pour lesquels on a l’envie, la compétence et la capacité. Que ce soit dans les domaines artistique, sportif, spirituel, éducatif, d’aide aux personnes, et encore bien d’autres … Ce serait un projet de société positif, à l’opposé des angoisses et des frilosités paralysantes de notre époque !
__________________________________
[titre] C’est un concept mais aussi le titre d’un ouvrage de Marie-Anne Dujarier « Le travail du consommateur », La Découverte, 2014
[2] idem
André Vital
vendredi 14 mars 2025
Vous trouverez ici un texte sur le même sujet paru dans l’édition de 2018
Chaque semaine un extrait du livre à la page "Découvertes"
Comments